Dimanche soir, sur France 5, une étudiante bloqueuse de Tolbiac a soutenu que les autorités mentaient lorsqu’elles affirmaient qu’aucun « blessé grave » n’était à déplorer au terme de l’évacuation du site universitaire vendredi 20 avril.
Dans l’émission « C Politique – le débat » (France 5), diffusée dimanche 22 avril 2018, Juliette, une étudiante ayant participé au blocage du site de Tolbiac, maintient l’affirmation, pourtant catégoriquement démentie par les autorités, selon laquelle il y aurait eu un « blessé grave » pendant l’évacuation du site par les forces de l’ordre, allant jusqu’à soutenir que les pouvoirs publics mentent (voir la vidéo de 23’25” à 24’25”) :
– [Karim Rissouli] Pour être très clair, vous pensez que la Préfecture de police de Paris, l’AP-HP, la Mairie de Paris […] mentent aujourd’hui ?
– [Juliette] Pour le moment, c’est ce que je constate, oui, tout à fait.
L’étudiante, qui argue de « témoignages nombreux [et] qui se recoupent » provenant « de gens qui [souvent] sont précaires », fait allusion à une rumeur apparue vendredi 20 avril sur des sites alternatifs comme Reporterre, dirigé par l’ancien journaliste du Monde Hervé Kempf ou Le Média, proche du mouvement de Jean-Luc Mélenchon et reprise par le compte Twitter de la branche parisienne du syndicat Sud éducation. Le syndicat Sud-Santé AP-HP a quant à lui appelé à un rassemblement devant l’hôpital Cochin samedi après-midi, évoquant un probable « mensonge d’Etat ».
Dans la journée de vendredi, Le Média a notamment annoncé qu’« un étudiant de Tolbiac [était] dans le coma », en illustrant son article avec une photo dont il apparaîtra qu’elle était datée du mois d’octobre 2017 et qu’elle a été prise… en Espagne, lors du référendum sur l’indépendance de la Catalogne (l’article a depuis été dépublié). Puis, sur son compte Twitter, le site dirigé par Sophia Chikirou, ancienne directrice de la communication de Jean-Luc Mélenchon, a diffusé le « témoignage » d’une étudiante, Leïla, déclarant que les pompiers ont emmené un blessé « actuellement dans le coma avec une hémorragie interne ». « Dans un coma profond » (sic) précise l’étudiante qui soutenait le candidat de la France insoumise lors de l’élection présidentielle de 2017. Toujours sur Twitter, Patrice Gravoin, un responsable de La France insoumise, a affirmé, vendredi en fin de journée, que « peut-être un môme [était] entre le vie et la mort »…
INTERVENTION POLICIÈRE À TOLBIAC : "DES CRIS, DES PLEURS, DU GAZ"
Leïla, étudiante à @TolbiacLibre nous raconte l'intervention policière de ce matin.Le Média existe grâce aux Socios, rejoignez-nous https://t.co/EXExYWYVH4 pic.twitter.com/cIyPu5Meve
— Le Média (@LeMediaTV) April 20, 2018
La fausse nouvelle a été reprise à son compte par la présidente de l’Unef à Paris I, Jaspal De Oliveira Gill, qui avait également assuré au magazine Marianne, avant de se rétracter, qu’un étudiant se trouvait « dans le coma » – version non confirmée par l’antenne nationale de l’Unef.
Lire, sur Medium : « Étudiant dans le coma à Tolbiac : itinéraire d’une très grave fake news »
Selon le communiqué de la Préfecture de Police de Paris du 20 avril, l’opération d’évacuation s’est déroulée « dans le calme et sans aucun incident ». Version corroborée par le directeur du site de Tolbiac, Florian Michel. En début d’après-midi, vendredi, la Préfecture de Police a confirmé qu’il n’y avait eu aucun blessé lors de l’opération d’évacuation. Samedi 21 avril, l’AP-HP, qui gère 35 hôpitaux en Ile-de-France, a « [démenti] fermement » la rumeur aux relents complotistes. Mao Peninou, adjoint à la Maire de Paris en charge de la propreté, a affirmé le même jour qu’après enquête au sein des services municipaux, « [nous] n’avons ni nettoyé ni repéré de taches de sang ou quoi que ce soit de ressemblant à Tolbiac ou dans ses environs ».
Plus de trois jours après les faits présumés, personne n’a pu établir l’identité du prétendu blessé, aucun proche de la « victime » ne s’est manifesté et les rares témoins directs de l’événement demeurent anonymes.
Mise à jour du 25/04/2018 :
Dans un article mis en ligne le 24 avril, Libération révèle que Leïla, qui faisait partie des « témoins » ayant accrédité la rumeur, a avoué avoir menti.